Bernard Morin
Bernard Morin, maréchal-ferrant forgeron de Saint-Martin-des-Champs, a toujours eu la passion des métaux. Rencontre avec un chausseur de chevaux.
C’était dans les années quarante, et déjà sur les bancs de la communale de Champcevrais, le jeune Bernard Morin vouait une véritable passion pour le travail du fer. Sans aucun doute, il deviendrait maréchal-ferrant.
Fils d’agriculteur à Champignelles, il apprit en effet le métier à Villeneuve-les-Genêts en 1947. Après deux ans d’apprentissage, Bernard Morin, comme tout bon compagnon qui se respecte, ira caresser le fer dans diverses maréchaleries de la contrée. Une première fois à Brassy puis à Ouanne, avant de partir sous les drapeaux. A son retour du régiment, il approfondira ses connaissances en Seine et Oise et reprendra définitivement le chemin de sa Puisaye natale.
Le chausseur de chevaux sera désormais condamné aux fers à Saint-Martin-des-Champs. Là, il reprendra pour son compte personnel l’ancienne maréchalerie du père Fanet décédé peu auparavant. En 1952, Saint-Martin-des-Champs comptait plus d’un demi-millier d’habitants. Le village vivait alors au rythme de l’homme et de ses gestes. C’était encore le temps de la fraternité par le travail, qui s’établissait entre les trois épiciers du village, les artisans locaux, le monde agricole et les trois bistrots du pays.
Bernard Morin lui dominait la matière. Avec une admirable constance, sa mailloche martelait durant de longues heures le fer sur l’enclume. La maréchalerie était un lieu de rencontre. Qui au village n’a pas eu à faire un jour avec cet homme à la force légendaire ?
Bernard Morin travaillait au rythme des saisons. Maîtrisant parfaitement aussi bien les travaux de forge que le ferrage des chevaux, il était un peu l’homme à tout faire du village. Les heures s’égrenaient à fabriquer ou réparer des serrures, des socs de charrues, ou des outils. Il embattait également les roues de voitures fabriquées par le charron. Une dure et spectaculaire besogne qui consistait à assembler les bandages de fer aux roues après avoir été chauffés au rouge. Son principal ouvrage était cependant le ferrage des chevaux.
Sur la commune de Saint-Martin-des-Champs plus de 200 chevaux étaient recensés. Dans son échoppe enfumée, fleurant la corne brûlée, affublé de son épais tablier de cuir cousu par le bourrelier, Bernard Marin décrochait le fer usagé avec les tricoises. Il éliminait ensuite l’excédent de corne à l’aide d’une lame appelée rogne-pied, le fer chauffant entre temps sous le charbon réactivé de temps à autre au soufflet.
Un travail obscur et généreux qui ne le mènera pas sur les chemins de la fortune mais avec l’effort de l’homme, l’ouvrage était respecté et le forgeron-maréchal jouissait d’une bonne considération au village.
Les festivités au pays étaient plutôt rares à cette époque. Bernard Morin avait appris l’accordéon dans sa jeunesse, il animait ainsi les petits bals du samedi soir.
L’occasion pour les paysans endimanchés d’oublier pour quelques heures le dur labeur des champs, et de conter fleurette au son d’une bonne bourrée, ou tout simplement de chopiner avec le charretier voisin. La vie s’écoulait ainsi sans que rien ni personne n’ait eu à y redire.
Malheureusement avec l’apparition des engins mécaniques, les chevaux et les petits métiers d’autrefois seront engloutis dans le royaume mystérieux d’où l’on ne revient pas. Bernard Morin lui finira sa carrière toujours comme forgeron, mais cette fois à la centrale de Belleville-sur-Loire.
Jean-Claude TSAVDARIS